TRAVAIL & SÉCURITÉ , un dossier spécial LABÉO pour l’INRS

Des échantillons suivis à la trace

Spécialisé dans l’agroalimentaire, la santé animale et l’environnement, Labéo Manche, implanté à Saint-Lô, conduit des analyses de haut niveau technologique. Pour protéger son personnel, notamment face au risque biologique, le laboratoire adapte les mesures de prévention à la spécificité de chaque activité.

Afin de limiter les risques de chute et de dispersion d’agents potentiellement pathogènes, les échantillons passent d’une salle L3 à l’autre à travers des sas.

© Grégoire Maisonneuve pour l’INRS


Au pôle santé de Labéo Manche à Saint-Lô, il est possible de croiser la dépouille d’un zèbre, d’un cheval, d’une vache ou d’une poule, dont le service d’autopsie analysera les causes du décès. Ce département du laboratoire, qui emploie 40 salariés (sur 102 au total), est aussi sollicité pour travailler sur toutes sortes de prélèvements d’animaux malades ou d’aliments, adressés par des vétérinaires, des éleveurs, ou encore des cantines scolaires. Le laboratoire est agréé pour pratiquer la recherche de divers pathogènes vétérinaires tels que la peste porcine classique, la grippe porcine ou encore la fièvre cattarrhale bovine. Le pôle environnement du laboratoire analyse aussi des échantillons d’eaux, qu’il s’agisse de vérifier la potabilité ou la qualité d’eaux de baignade, et réalise des contrôles de la radioactivité. Des activités pour lesquelles trois risques majeurs ont été identifiés : le risque chimique, le risque biologique et, pour une moindre part, le risque radioactif.

Lorsque les échantillons arrivent à l’accueil, « nous demandons aux secrétaires de mettre des gants de protection, précise Lionel Lemarchand, chargé de la coordination de la prévention du Groupement d’intérêt public (GIP) Labéo, auquel appartient le site de Saint-Lô. Si un doute apparaît sur la provenance de l’un d’entre eux ou sur l’intégrité de l’emballage, il est immédiatement placé sous poste de sécurité microbiologique, ou PSM qui est une enceinte ventilée destinée à confiner les aérosols et à protéger le manipulateur et l’environnement. ». « La prévention des risques biologiques à l’accueil est parfois oubliée, alors qu’ils peuvent être présents dès cette étape », souligne Christine David, biologiste à l’INRS.

Culture de virus

Labéo dispose de différentes salles techniques selon le risque biologique présenté par l’échantillon. Notamment, lors de recherches virologiques de peste porcine classique, les échantillons sont envoyés vers une salle technique de niveau de confinement 3 (L3). Celle-ci est caractérisée par une pression de l’air négative par rapport aux zones avoisinantes pour prévenir la fuite dans l’environnement de micro-organismes pathogènes.

« Notre travail quotidien consiste à faire se multiplier toutes sortes de cellules, comme les RV (cellules primaires de reins de veaux), dans une pièce propre, hors du L3. Ces cellules constituent la base nécessaire pour cultiver les virus que l’on recherche et qui sont éventuellement présents dans les prélèvements, détaille Delphine Esperet, chef du service virologie et biologie moléculaire de Labéo Manche. Les mains doivent être propres et nous portons une blouse dédiée à cette activité, réalisée sous PSM. »

Ensuite, c’est sous un autre PSM du laboratoire L3 que les cellules seront mises en contact avec le prélèvement suspect. « Après une incubation de trois jours à l’étuve, nous regardons au microscope l’état du tapis cellulaire, poursuit Delphine Esperet. S’il a été attaqué, cela nous permet de confirmer la présence du virus dans le prélèvement d’origine. » Afin de limiter les risques de chute et de dispersion d’agents potentiellement pathogènes, les échantillons passent d’une salle L3 à l’autre à travers des sas.

Des règles strictes

Seuls certains analystes sont autorisés à accéder au L3. Une liste nominative figure sur la porte. Ils doivent s’assurer du niveau de dépression sur un manomètre avant d’entrer. Après avoir composé un code d’accès, ils passent par un premier sas en dépression de - 30 Pa, où ils laissent leur blouse propre et leurs vêtements de ville, puis par un second sas à - 50 Pa, où ils s’équipent en fonction du risque rencontré : les analystes de virologie portent notamment un tee-shirt, des chaussettes de service, une blouse, et des chaussures. Enfin, ils accèdent à une des salles techniques ayant une dépression de - 70 Pa. Les vêtements passent ensuite à l’autoclave pour être décontaminés avant nettoyage.

Les portes des sas sont asservies électriquement afin de ne pas s’ouvrir simultanément. À chaque passage, si la porte n’est pas bien refermée, une alarme se déclenche et il est impossible d’ouvrir une autre porte. L’air extrait des salles est filtré pour retenir tous les micro-organismes potentiellement pathogènes qui pourraient s’échapper dans la salle en cas d’accident. « Je mets en culture des cellules qui ne présentent pas de danger pour l’homme, indique Aurélia Grandidier, analyste du secteur virologie. Je manipule donc à mains nues, mais je dois bien me laver les mains en début et en fin de poste. J’ai juste les cheveux attachés et je ne dois pas porter de bague. »

En revanche, dans d’autres salles techniques, l’analyse des risques a abouti à d’autres mesures de prévention. Ainsi, les analystes qui travaillent avec le prion transmissible à l’homme portent deux paires de gants, en plus d’une combinaison jetable, de lunettes, et d’une charlotte. Au service des autopsies, ils enfilent même trois paires de gants, dont la deuxième recouvre l’ensemble de l’avant-bras. « Je suis à la recherche d’un sous-gant anti-coupures adéquat mais je devrais aussi persuader les personnels de l’utiliser car ils ont le sentiment de perdre parfois en dextérité », observe Lionel Lemarchand. Un enjeu d’autant plus important qu’un accident en autopsie avec une coupure au couteau a été reporté il y a quelques semaines.

Des intervenants formés

« Chaque nouvel arrivant suit une formation à l’hygiène et à la sécurité dispensée par le référent HSE du site, indique Lionel Lemarchand. En plus de cette formation générale, chacun est aussi sensibilisé aux bonnes pratiques et aux précautions à prendre en fonction de son activité. » De plus, les chefs de service organisent une réunion une fois par mois au cours de laquelle les sujets d’hygiène et de sécurité doivent être abordés. Tous les services sont accrédités Cofrac et tous les analystes et techniciens sont habilités. Cela leur permet d’être initiés à la méthode d’analyse réalisée et aux mesures de prévention associées.

Quant au suivi médical du personnel, il dépend de l’activité : « C’est le médecin du travail qui décide de sa fréquence, observe Lionel Lemarchand. À Labéo Manche, outre une visite médicale avant la prise de poste, nous organisons une visite tous les ans ou tous les deux ans, en fonction des risques auxquels les agents sont exposés. »

 

REPÈRES
Le laboratoire s’est distingué en 2001 comme l’un des premiers à pouvoir répondre aux exigences de dépistage systématique du prion pathogène responsable de l’encéphalite spongiforme bovine.

LES RAISONS D’UN REGROUPEMENT
Labéo Manche fait partie du GIP Labéo (385 salariés, 14 600 m2 de surface cumulée). Créé le 1er janvier 2014, il est aujourd’hui composé de quatre laboratoires départementaux normands : Alençon, Saint-Contest, Saint-Lô et Évreux (qui a rejoint la structure le 1er janvier 2017). Trois pôles d’analyse y sont représentés : environnement, santé animale et santé alimentaire, ainsi qu’un pôle recherche particulièrement reconnu sur le sujet de la santé équine, spécialité du laboratoire Labéo Frank-Duncombe à Saint-Contest.

Ce regroupement répond à un objectif concurrentiel : atteindre une certaine taille afin de réaliser des économies d’échelle, notamment dans le secteur de l’environnement et de l’alimentaire. Jusqu’à présent, cette restructuration n’a pas eu d’incidence sur la configuration des locaux mais à partir de 2018, et jusqu’en 2020, le site de Saint-Lô va s’agrandir. L’activité de biologie moléculaire s’étend et le service de radioactivité s’agrandit. Un nouveau L3  dédié à la tuberculose bovine est également en projet.

DES PROCÉDURES ÉCRITES
Dans les laboratoires de confinement de niveau 3, comme celui de Labéo Manche, les consignes de sécurité sont détaillées dans une procédure spécifique, tout comme la conduite à tenir en cas d’accident. Des consignes sont clairement affichées dans les sas d’entrée ou de sortie des agents. « De plus, tous les services disposent de classeurs blancs “qualité” où chacun peut se référer aux modes opératoires, illustre Delphine Esperet, chef du service virologie et biologie moléculaire, et notamment vérifier comment et dans quel ordre retirer les EPI. » Pour les personnels travaillant sous PSM, le nettoyage puis la désinfection de la surface de travail suivent également un processus précis.

Quant aux déchets infectieux présents, ils sont traités comme l’ensemble des déchets d’activités de soins à risques infectieux (Dasri) et conformément à la réglementation en vigueur. Ils doivent être placés dans des emballages spécifiques, non réouvrables, et dans des locaux adaptés en attendant d’être récupérés par un prestataire spécialisé dans leur traitement.

 

Virginie Leblanc

Source : www.travail-et-securite.fr